mercredi 23 novembre 2011

Anatomie visuelle et sonore de la décomposition, "Outre-Vivant" par Martin uit den Bogaard

Une vie après la mort

Au lycée agricole Venours à Rouillé se trouve actuellement l'exposition de Martin uit den Bogaard centrée autour de la lente décomposition des chairs. L'artiste a scellé des petits corps d'animaux sous plexiglas après les avoir recueillis inertes et privés de vie dans la nature. Son exposition, mise en scène étrange d'une vie après la mort, invite à la méditation : l'on peut y découvrir des cadavres d'oiseaux, de lézards, de tortues, de chiot, ou encore un doigt humain. Les animaux se décomposent à différents rythmes, certains libèrent des micro-organismes, de l'eau, de petits insectes s'en échappent et alimentent un cycle infini de vie/mort/vie.

Cette exposition fait aussi montre d'inventivité et d'originalité jusque dans des sphères inattendues. La véritable surprise demeure à mon goût la salle aux sons étranges où sont présentées des reliques animales et humaines : un petit cerveau, un doigt, des cheveux, des poches de sang... Connectés à des voltmètres, l'électricité produite par les organes en putréfaction est traduite en sons continus via un logiciel spécial. Ainsi, chaque organe produit un son grave ou aigu qui fusionne avec les autres, et crée une véritable symphonie : une musique déroutante digne des films d'horreur italiens des années 70...

Surprenant et inventif, ce spectacle étonne et déstabilise. L'impression de pénétrer dans une morgue zoologique crée un sentiment "uncanny", défamiliarisant, exotique en un sens, mais aussi réflexif. L'artiste semble fasciné par la mort et les histoires qu'elle a à nous raconter, la touche de relativisme et le détachement qu'elle induit : ces produits de la mort étudiés comme s'ils se trouvaient dans un laboratoire aseptisé et dénué de distractions nous ramène à notre propre condition, et déclenche inexorablement un questionnement, une vivisection de notre ancrage et de notre relation à la vie ainsi qu'à la mort.